Harmonie atlantique
E blouis par le fascinant panorama
qu'ils découvrent de la crête séparant l'ancien cratère de la caldeira
de Cova et la vallée de Paul, les marcheurs descendent lentement
le sentier empierré. Accroché au flanc de la montagne, cet ancien
chemin muletier, aménagé pour l'acheminement des denrées, serpente
au-dessus du vide.
De nos jours, il est surtout fréquenté par les
randonneurs venus d'Europe découvrir l'île de
Santo Antão, l'une des plus remarquables des
dix îles du Cap-Vert, et certainement celle dont
les paysages sont les plus variés. Au cours de la
descente, les voyageurs prennent le temps d'observer les
mouvements des nuages, qui embrument par moments les sommets environnants,
alors qu'à cet endroit l'altitude ne dépasse pas
1 000 mètres. En contrebas, dans la vallée, le
village de Passagem et quelques maisons isolées sont égarés au
milieu de la végétation, ici exceptionnellement verdoyante.
La vallée de Paul est en effet bénie des dieux,
puisqu'elle bénéficie de sources en nombre suffisant pour permettre
une activité agricole intense, impensable ailleurs dans l'archipel.
Cannes à sucre, papayers, bananiers, plants de
haricots, de patates douces et de tomates poussent à profusion. L'eau
s'écoule dans de petites rigoles aménagées le long des cultures en terrasses.
Le contraste est grand avec les autres iles cap-verdiennes, et même
avec les autres vallées de Santo Antão. Là, l'aridité l'emporte : sur fond
de volcans, des paysages désertiques, où se mêlent zones terreuses et magmas
de concrétions ocre, marron ou noires, offrent des panoramas
impressionnants et inquiétants, fascinants pour
des touristes en quête de dépaysement et de
sensations, mais souvent inhospitaliers pour une
population qui trouve difficilement de quoi subsister. Ce n'est pas un
hasard si deux tiers des Cap-Verdiens vivent à l'étranger, surtout en
Europe et en Amérique du Nord.
Avec la pêche, principale ressource de l'archipel, l'agriculture fournit
une bonne part des maigres revenus de Santo Antão. La canne permet la
fabrication d'un
excellent alcool, le grogue, distillé à environ 40 degrés. Il n'est pas rare
de rencontrer le long des sentiers quelques hommes,
installés en bordure de champ, presque toujours
vêtus de maillots des grandes équipes du football
mondial, comme la plupart des jeunes Cap-Verdiens. Ils s'affairent autour
d'un trapiche, presse rudimentaire tirée par des mules ou des boeufs et servant à
la fabrication du jus de canne, la calda. Le grogue, que l'on vous fait
déguster sur place, encore tiède, se révèle excellent!
Après quelques pauses dégustation, le groupe
de randonneurs, requinqué, reprend cahin-caha
sa marche et atteint Passagem, où la vie s'écoule
paisiblement, à l'instar de toutes les localités de
l'archipel. Ici, point d'activité trépidante. Le climat est de ceux qui
favorisent la lenteur et la nonchalance : situées entre le tropique du Cancer
et l'Equateur, à 500 kilomêtres au large de la côte
sénégalaise, les îles du Cap-Vert subissent un
chaud soleil toute l'année, parfois embrumé. La
pluie ? Cela fait bien longtemps, dans ces îles,
qu'on n'en a pas senti les gouttes rafraîchissantes...
Les liaisons entre les îles peuvent s'effectuer
soit par avion (toutes sont dotées d'un aérodrome
capable d'accueillir de petits coucous ; seul l'aéroport de Sal permet
l'atterrissage des vols internationaux), soit par la mer. De Porto Novo,
port de Santo Antão, on peut rallier matin et soir,
en une heure de traversée, Mindelo, capitale de
l'île de São Vincente, à bord du Mar Azul, un
navire chargé d'hommes, d'animaux et de marchandises. Capitale culturelle
de l'archipel, Mindelo est avant tout le fief de Cesaria Evora, la
star de la morna, et le repaire de nombreux musiciens. Quelques peintres
exposent leurs toiles dans l'unique centre culturel du pays, installé
dans une ancienne halle réaménagée sur le front
de mer, près du port. A proximité, tournée vers
le large, se dresse une pâle imitation de la tour
de Belém, l'un des symboles de Lisbonne, qui
rappelle, avec sa voisine la statue du navigateur
portugais Diego Afonso, que les îles du Cap-Vert (Cabo Verde) ont été
découvertes et colonisées par le Portugal à partir du xve siècle.
Complètement désert, l'archipel revêtit très vite
une importance stratégique en servant de point
d'escale aux navires qui se rendaient au Brésil
et, plus tard, à ceux qui pratiquaient le commerce
triangulaire entre l'Afrique, l'Amérique et l'Europe. Ils laissèrent sur
place des esclaves, dont les descendants peuplent aujourd'hui le pays.
Comme les autres colonies alors encore sous tutelle portugaise, les îles
du Cap-Vert arrachèrent leur indépendance en 1975. Pendant longtemps,
le pays fut administré par un régime prosoviétique, mais le multipartisme
et une véritable démocratie sont instaurés depuis 1991. De sa
longue période coloniale, l'archipel ne peut guère
se targuer d'avoir hérité de remarquables vestiges architecturaux. Les églises
sont peu élaborées et le colonisateur a fait l'économie des
édifices prestigieux tels que résidences et palais,
ou encore fortifications impressionnantes, sans
doute réservés à son fleuron brésilien. Néanmoins, selon un très classique
plan quadrillé, les rues de Mindelo, bordées de façades aux
couleurs pastel ornées parfois d'élégants balcons
de fer forgé, dégagent un charme certain.
A une quarantaine de minutes de vol vers l'est,
l'île de Sal, aride, ne déploie pas les mêmes atouts.
Elle possède en revanche la plus belle plage, qui s'étend
à l'extrême sud de l'île, à Santa Maria.
Mouillée par une eau turquoise et balayée par
un vent régulier, cette langue de sable immaculé
est le paradis des fondus de funboard et, depuis
peu, de flysurf, sport qui permet d'évoluer sur
les vagues tout en étant tiré par une aile animée
par le vent. C'est aussi une base de départ pour
les plongeurs qui vont visiter les épaves ou les
récifs nombreux dans les fonds marins, très poissonneux
par ici. Et c'est bien sûr, tout simplement, un bel endroit
doté de suffisamment d'hôtels pour se reposer en toute quiétude.
Seules curiosités de l'île : les rochers déchiquetés de Buracona,
au nord-ouest, qui forment une petite
piscine naturelle, sur laquelle se brisent des flots
impétueux ; et, au nord-est, la saline de Pedra da
Lume, un étonnant marais salant aménagé au
centre d'un ancien cratère, que l'on découvre
après avoir traversé un tunnel sous la montagne.
Ce site extraordinaire pourrait servir de décor
à plus d'un film d'aventures ! A proximité, la
plage, moins belle que celle de Santa Maria, est
très fréquentée, notamment le dimanche, par les
Cap-Verdiens : on vient en famille pique-niquer
au son des guitares, sauter dans les rouleaux et,
surtout, profiter du temps qui passe. Tout l'esprit du Cap-Vert se
trouve ici résumé.
Pierre-Yves Mercier

MUSIQUE
Sensualité et nostalgie
Portée par la célébrite de la
chanteuse Cesaria Evora la
musique cap-verdienne se
révèle peu à peu au monde et
devient le véritable ambassadeur
culturel du pays. Entre influences
européennes et africaines elle se
répartit en plusieurs genres. Le
plus connu et le plus traditionnel
la morna, musique mélancolique
et nostalgique, mêle fado et
rythmes africains.Toujours
jouée avec une petite guitare
acoustique, le cavaquinho,
la morna est aussi accompagnée
des cris langoureux du violon.
Nettement plus gaie, la coladeira
est le fruit d'une intense fusion
afro-brésilienne. Quant au
funana, son très populaire dans
l'archipel parce que plus moderne, il se rapproche du zouk
antillais et se danse, beaucoup
plus que ce dernier, de manière
très sensuelle, tout en déhanchements très serrés et très chauds.
A voir et à admirer dans les boîtes de nuit fréquentées
assidûment par ces excellents
danseurs que sont les Cap-Verdiens. Pour écouter de la musique,
on n'a pas à chercher longtemps en soirée, bars et
restaurants sont animés par de
fameux orchestres dont le rêve
est certainement de se faire repérer par un producteur influent
et de connaître la même gloire
intemationale que Cesaria Evora,
la « diva aux pieds nus». Ou dans une moindre mesure celle d'autres
formations comme Simentera, Paulino Vieira, Tito Paris ou encore Fantcha P.-Y.M.

Renseignements
Ambassade du Cap-Vert
80, rue Jouffroy-d'Abbans,
75017 Paris
Tel.: 01 42 12 73 54 - 01 40 53 04 36.
Téléphoner
Pour appeler de France au Cap-Vert, composer le 00+238 suivi
du numéro de téléphone que l'on souhaite obtenir.
Monnaie
Compter quelque 17 escudos cap-verdiens pour 1 franc
Voyager
En avion. La compagnie cap-verdienne TACV relie directement
Paris à Sal une fois par semaine le
lundi. Durée du vol: 5 h 30.A/R à partir de 375O F .LaTACV assure
également les liaisons entre
les îles du pays. 01-56-79-13-13.
En bateau. Les îles sont reliées
par des lignes maritimes. Généralement deux liaisons par jour.
SE LOGER
A São Vicente
Hôtel Foya Branca.
Situé au sud-ouest de l'île, cet hôtel agréable
et calme est doté d'un très bon restaurant ainsi que d'une belle
piscine. On peut y louer une
chambre double pour 53O F(petit déjeuner compris) ou des appartements
spacieux de 2, 3 ou4 chambres doubles. Exemple:4 chambres (soit 8 personnes),
séjour et terrasse pour l7OOF par nuit. Caixa Postal 781, São Pedro,
São Vicente, Cabo Verde. 31-63-73 et 31-63-70.
A Santo Antaso
Residencial 5 de Julho.
Hôtel modeste situé dans la rue principale de Ribeira Grande. Environ 100 F
la chambre. 21-13-45.
A Sal
Hôtel Morabeza.
Très agréable hôtel en bordure de la magnifique
plage de Santa Maria. Piscine,tennis, activités nautiques. Chambre double
à partir de 320 F en basse
saison et de 36O F en haute saison,petit déjeuner compris. Santa Maria, CP33,
Sal Island, Cap-Vert, 42-10-20 et 42-10-21. Représentant en Europe: 00-32-92-26- 19-47.
SE RESTORES
Populaire spécialité cap-verdienne, la cachupa est une sorte de pot-au-feu
mitonné à base de maïs avec de la viande, du poisson et des légumes. On la
trouve au menu
de tous les restaurants.
A São Vicente
Le restaurant de l'hôtel Foya Branca.
Excellent. Propose des plats d'influences diverses: Europe, Afrique, créations maison. Compter
environ 100 F le repas. Coordonnées dans la rubrique «Se loger».
A Mindelo
Chez Loutcha.
L'une des bonnes tables de Mindelo. Grand choix
de poissons et de fruits de mer.
Animation musicale en soirée. Environ 50 F le repas. Rua do Coco,
Mindelo, São Vicente, 32-16-36
A Santo Antão
Restaurante de Antilhas.
Etablissement modeste avec terrasse
en bord de mer, face au débarcadère. Pour environ 30 F, on y sert
un menu très copieux. Porto Novo, 22-11-93.
Pages réalisées par : les Guides Gallimard.